Le sens de l’équilibre et la perception de la profondeur sont à la base de comportements de survie encore méconnus : la peur du vide et des hauteurs. On sait que l’intégration perceptive de la profondeur se réalise au sein du système vestibulaire, et notamment des noyaux vestibulaires profonds, véritable hub d’intégration sensori-motrice contrôlant posture et l’équilibre lors de la marche (Angelaki and Cullen, 2008). Mais des recherches récentes ont révélé que les noyaux du tronc cérébral sont loin d’être primitifs, chacun d’eux projetant directement vers des structures appartenant au réseau sous-cortical des émotions (Anderson and Adolphs, 2014). Ces réseaux émotionnels contrôlent des comportements censés optimiser la survie des individus face à des situations de danger : depuis la coordination rapide de comportements instinctifs de défense (réponse de fuite ou de ‘freezing’, associées à des modifications physiologiques telles qu’une modulation du rythme cardiaque ou respiratoire), jusqu’à celle d’états émotionnels persistants, telles que l’anxiété ou la peur.
Dans ce contexte, les cliniciens vestibulaires, la psychiatrie et le monde de la clinique rapportent déjà depuis plusieurs années qu’une comorbidité forte existe entre patients patients présentant des vestibulaires et psychiatriques (Balaban et al., 2011; Staab, 2016) : les patients vestibulaires sont bien souvent atteints de pathologies affectives, psychologiques et psychiatriques comme des troubles anxieux dans 30-50% des cas, des syndromes dépressifs, ou même des états proches du syndrome post-traumatique. Cette corrélation est à double sens, puisque des conditions psychiatriques préexistantes sont parfois un facteur prédictif du développement de pathologies vestibulaires (Staab, 2016). Nous sommes donc au-delà de l’hypothèse de l’existence d’un système d’intégration vestibulo-émotionnel, mais bien face à une réalité clinique.
De ce point de vue, la peur du vide, des hauteurs, ou de la chute, ont pour fonction de protéger les individus de chutes potentiellement douloureuses, voire mortelles. Ces comportements de défense contre nécessitent l’activité coordonnée des systèmes vestibulaires et émotionnels pour répondre à une menace de chute imminente, mais aussi pour s’y préparer et optimiser la réponse. Mais jusqu’à présent, la connaissance des réseaux cérébraux contrôlant ces interactions vestibulo-émotionnelles est, au mieux, à l’état d’ébauche.
Anderson, D.J., Adolphs, R., 2014. A Framework for Studying Emotions across Species. Cell 157, 187–200. https://doi.org/10.1016/j.cell.2014.03.003
Angelaki, D.E., Cullen, K.E., 2008. Vestibular System: The Many Facets of a Multimodal Sense. Annu. Rev. Neurosci. 31, 125–150. https://doi.org/10.1146/annurev.neuro.31.060407.125555
Balaban, C.D., Jacob, R.G., Furman, J.M., 2011. Neurologic bases for comorbidity of balance disorders, anxiety disorders and migraine: neurotherapeutic implications. Expert Review of Neurotherapeutics 11, 379–394. https://doi.org/10.1586/ern.11.19
Staab, J.P., 2016. Functional and psychiatric vestibular disorders, in: Handbook of Clinical Neurology. Elsevier, pp. 341–351. https://doi.org/10.1016/B978-0-444-63437-5.00024-8